Des radiologues et légistes de La Timone autopsient les corps par scanner
Dans cette unité de la Timone, les patients ne se plaignent jamais auprès des infirmières de la qualité des repas. Car ici, il n’y a ni repas ni infirmières. Pas de malades non plus. Mais des morts …
Des “patients décédés”, comme disent les radiologues et les médecins légistes qui s’enthousiasment pour une toute nouvelle discipline, certes un peu macabre, mais promise à un bel d’avenir : l’autopsie virtuelle.
Partie se former chez les Suisses, champions incontestés dans cette spécialité post mortem, “l’équipe de l’AP-HM est l’une des toutes première en France à utiliser les techniques modernes de l’imagerie médicale (scanner, IRM) pour aider à déterminer les causes des morts criminelles ou inexpliquées”, explique le Dr Guillaume Gorincour, qui coordonne ce groupe de radiologues et de légistes que leurs confrères surnomment déjà “les experts”.
Comme dans la série télé, ces praticiens travaillent en liaison étroite avec la police scientifique et la Justice. Il est vrai que les cas pratiques ne manquent pas dans la région marseillaise: sur les 150 autopsies virtuelles réalisées depuis 3 ans à La Timone, une bonne part a concerné les nombreux morts par balles qui ont émaillé la chronique des faits divers de La Provence
Désormais, c’est quasiment systématique: “Le parquet fait appel à nous à chaque mort violente ou suspecte”, explique le Pr Marie-Dominique Percecchi-Marti, légiste à l’unité de médecine légale de La Timone.
Les dissections modernes se font sans scalpel, ni scie, ni perceuse, mais à l’IRM et au scanner, pour faire parler les corps sans y toucher. “Ou du moins, pour l’instant, en limitant le champ de l’autopsie classique qui doit encore être réalisée, en particulier lorsqu’il s’agit d’une mort par balle, afin que les enquêteurs puissent récupérer le projectile”, expliquent les légistes.
Pour ces spécialistes de la médecine post mortem, l’autopsie virtuelle, ça décoiffe! Une révolution scientifique d’abord. “Lorsqu’on fait une autopsie classique, on dispose de 6 heures au maximum avant que les tissus ne soient trop altérés. Le scanner et l’IRM permettent de préparer le travail, de cibler les zones lésées, de repérer les projectiles et le trajet des balles”.
Cinq minutes dans la salle d’examen, 90 secondes dans le scanner (jusqu’à 40 minutes pour un scanner IRM) suffisent pour obtenir une image en 3D du corps du défunt que les médecins pourront étudier à loisir, comparer à d’autres images, transférer à d’autres experts.
Autre avantage des clichés: ils conservent les preuves indéfiniment, ce qui permet de corriger des erreurs, voire de rouvrir une enquête. “On est à la fois les Experts et Cold Case”, résume le Pr Bartoli. Mais si elle aide la police, l’autopsie par l’image facilite aussi le travail de la justice : “Au procès d’assises, lorsqu’on présente aux jurés des clichés sanguinolents d’une autopsie classique, beaucoup tournent la tête. Le scanner et l’IRM sont moins choquants surtout bien plus compréhensibles”.
Un intérêt judiciaire qu’a bien compris le parquet de Marseille, déjà très demandeur de ces nouvelles techniques. D’autant que c’est encore à La Timone qu’un examen post mortem unique au monde peut être réalisé.
Les Dr Jolivert et Cohen ont mis au point une technique permettant de faire passer un angio-scanner à un patient décédé, dans les mêmes conditions que sur un patient vivant. Sur l’écran se visualisent les vaisseaux sanguins (veines ou artères), alors que le coeur a depuis longtemps cessé de battre.
Sophie MANELLI (smanelli@laprovence-presse.fr)