Les traces digitales
Dans le scénario élaboré par les gendarmes, Omar Raddad manipule plusieurs objets dont le chevron, le taille-haie, la porte de la cave et le sac à main de la victime. Dans ce même scénario, Ghislaine Marchal manipule la barre de fer, le lit pliant, le chevron et écrit deux messages avec ses doigts.
Malgré toutes ces manipulations, aucune trace digitale exploitable n‘a été relevée par les intervenants. La défense d’Omar Raddad ou les journalistes vont en tirer des conclusions hasardeuses :
« Pas d’empreintes, cela pouvait signifier que l’assassin portait des gants, donc que le crime avait été prémédité » « On aurait dû trouver des empreintes d’Omar puisqu’il avait agi sans préméditation ; on aurait dû déceler des empreintes de Mme Marchal sur le lit pliant puisque c’est elle qui l’avait déplacé »(L’AFFAIRE OMAR : Mensonges et vérités, de Ève Livet. Éditeur La découverte, 1999)
“Si l’agresseur avait été Omar Raddad agissant à mains nues, on devait pouvoir retrouver ses empreintes sur le chevron » (OMAR M’A TUER : histoire d’un crime, de Jacques Vergés. Éditeur M. Lafon, 1994)
En réalité, rien n’est bien sûr aussi simple. Une manipulation d’un objet à mains nues ne garantit pas le dépôt de traces papillaires exploitables et encore moins leurs révélations et leurs relevés. La possibilité de retrouver une trace exploitable dépend de nombreux facteurs comme l’état et le type de support, le type de donneur ou encore l’ancienneté du dépôt. Dans cette affaire, certains supports comme le cuir du sac à main, le bois brut du chevron ou le métal de la barre de fer sont très mauvais pour la recherche de traces. Les meilleurs supports sont sans aucun doute le bois peint des portes ensanglantés et les matières plastiques des éléments du sac à main. Il apparaît qu’aucune trace exploitable n’a été observée mais il n’est pas précisé si des traces papillaires inexploitables ont été relevées. Les analyses dactyloscopiques ne sont pas détaillées et n’apportent aucun élément en faveur ou en défaveur de l’accusé.
Les microtraces
Le lendemain de la découverte du corps, les vêtements d’Omar Raddad sont prélevés afin de rechercher des éléments microscopiques pouvant lier le principal suspect à la scène de crime (fibres, terres, traces biologiques). Le laboratoire SERMA en charge des analyses donne ses conclusions :
« Les microparticules de laine de verre portées par le pantalon de l’inculpé ne correspondent pas aux prélèvements d’isolants effectués dans la cave (laine de roche). En l’absence de concordance de composition chimique qualitative globale entre les microparticules environnementales portées par le pantalon et les semelles des chaussures à cause d’un cumul d’environnements, puisque ces effets ont été utilisés après les faits, on remarque cependant une corrélation à l’état de traces avec le sédiment prélevé dans la cave »
Ce qui signifie que les poussières relevées sur le bas du pantalon et sous les semelles de chaussure de l’accusé sont compatibles avec la poussière de la cave. En aucun cas, on ne peut conclure différemment et dire qu’Omar Raddad s’est rendu dans la cave dans un temps voisin du crime (conclusion de l’accusation) ou à l’inverse qu’il ne s’y était jamais rendu (absence de laine de roche sur ses vêtements, conclusion de la défense). L’expert ayant procédé à l’analyse viendra d’ailleurs expliquer à la barre que ce résultat n’apporte pas d’élément à charge ou à décharge :
La poussière est tellement commune à tous les chantiers que ces prélèvements n’apportent aucune particularité
L’arme du crime
Pour retrouver l’arme du crime, les gendarmes à l’aide des pompiers, fouillent minutieusement les environs à l’aide d’un détecteur de métal, sans succès. Il s’agit de manière certaine d’une arme blanche bien que des coups aient été portés par un objet contondant. Les médecins légistes préciseront par la suite qu’il s’agit d’une
[pull_quote_center]lame effilée à double tranchant mesurant 15 à 20cm de long et large de deux centimètres au minimum[/pull_quote_center]
Ce type d’arme n’est évidemment pas courant. Lors d’une perquisition à la Chamade le 9 août 1991, les enquêteurs saisissent en haut des escaliers conduisant à la cave, un taille-haie bien que cette arme par destination ne correspond pas aux constatations des légistes. En effet, cet outil comporte deux lames effilées chacune d’un côté, longues de 21cm et larges de 3,4cm dans la partie la plus épaisse. Les cisailles sont mises sous scellé et envoyées pour expertise au laboratoire SERMA. Le 28 octobre 1991, le laboratoire répond qu’un ADN animal a été mis en évidence sur les lames mais qu’il n’y a aucune trace de sang humain. Toutefois, l’expert reste prudent et précise qu’il ne peut conclure formellement car l’ADN analysé est très dégradé. Cette conclusion ambiguë sera défendue à la barre par, l’expert du laboratoire SERMA, Jean-Marie Grafeuille. Celui-ci précisera que dans le rapport, le terme « animal » employé au sens large, englobe l’homme et qu’il pourrait donc s’agir de sang humain. Cette conclusion présentée de la sorte n’a que peu de valeur probante et ne peut pas être une charge contre l’accusé. Pour renforcer l’accusation, il aurait été nécessaire de connaitre la fréquence du fragment d’ADN retrouvé sur ce type d’instrument.
Interrogés à la barre les médecins légistes confirment que le taille-haie ne peut pas être à l’origine de certaines blessures profondes de la victime.