Perquisition de la scène de crime et de la chambre
Le juge saisit le laboratoire du Centre d’Application et de Recherche en Microscopie Électronique (CARME) pour analyser le combi Volkswagen de Pierre Chanal. Les 21 et 22 Octobre 1988, Loïc le Ribault et Robert Gatelier inspectent très minutieusement le véhicule. Les deux scientifiques recherchent des traces et indices en aspirant les poussières, les poils et les cheveux.
Les gendarmes et experts saisissent et mettent sous scellé plus de 100 objets parmi lesquels de nombreux slips masculins de plusieurs tailles, des sangles, une pelle US (pelle pliante), des cassettes audio et vidéos, des vêtements, un godemiché, et une cordelette en nylon avec à ses extrémités deux poignées en cuir.
La pelle US et les traces de terre
Les gendarmes veulent faire le lien entre Pierre Chanal et les huit autres disparitions. Ils savent que Trevor O’keeffe a été retrouvé enterré. La pelle US a-t-elle été utilisée pour enterrer Trevor ? Le magistrat instructeur demande au laboratoire du CARME, reconnu dans le domaine d’analyse des terres, si l’échantillon prélevé sur la pelle de Pierre Chanal est identique aux échantillons prélevés sur les lieux de découverte du corps de Trevor O’keeffe. Le directeur du CARME, Loïc le Ribault (voir photographie ci-dessous), confirme dans deux rapports en novembre et décembre 1988, que la terre prélevée sur la pelle US est identique à celle retrouvée à proximité du cadavre de l’Irlandais. Il va même plus loin dans l’émission, « Faites entrer l’accusé » en tirant une conclusion peu évidente de ses résultats :
[quote_center]« Les deux traces de terre sont identiques, la pelle a servi à enterrer Trevor O’Keeffe »[/quote_center]
Les analyses de traces de terre vont être sujet à controverses d’autant que Loïc Le Ribault va devenir un scientifique très contesté dans les années 1990. En 1997, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour exercice illégal de la médecine.
Le juge d’instruction de Saint-Quentin demande une contre-expertise au laboratoire de police scientifique de Lille. Il constate que le prélèvement de terre a disparu et il demande donc au laboratoire de Lille de donner un avis sur la méthode d’analyse et le degré de fiabilité des conclusions de Loïc Le Ribault.
Le 29 mai 1995, des experts du laboratoire de police scientifique de Lille déposent un rapport dans lequel ils sont très critiques sur les conclusions du rapport du CARME.
« L’analyse élémentaire réalisée par le Centre d’Applications et de Recherches en Microscopie Électronique n’a qu’une valeur qualitative et ne peut constituer un élément valable à prendre en compte pour établir une concordance entre ces prélèvements de terre. »
Devant ces batailles d’expert, le nouveau juge d’instruction Chappart de Chalons-en-Champagne instruisant l’affaire de Trevor O’keeffe, fait appel en 1998 au laboratoire de police scientifique de Toulouse pour analyser les conclusions de Le Ribault et procéder à de nouvelles expertises. Leurs conclusions se rapprochent de celles du scientifique du CARME mais les experts sont beaucoup moins catégoriques dans leurs conclusions :
« Les résultats des examens et analyses des traces de terre de la pelle sont voisins de ceux observés avec les prélèvements relatifs au lieu de découverte du cadavre » et « Toutefois, compte tenu de la faible quantité de matière recueillie sur la pelle de Pierre Chanal, du type de prélèvement, et en l’absence de marqueur spécifique, il est impossible de conclure à l’origine commune ou non de ces prélèvements. »
Pour sa défense, Chanal explique avoir utilisé cette pelle trois ou quatre fois à des endroits bien précis comme en Normandie. Mais cette version des faits est contredite par les experts :
La terre de Normandie ou prétend avoir creusé Pierre Chanal « présente des caractéristiques macroscopiques (nodules carbonatés et coquillages), minéralogiques (Calcite abondante et Aragonite) et chimiques (teneurs en silicium et calcium) différentes de celles des prélèvements relatifs au lieu de découverte du cadavre et des prélèvements effectués sur la pelle »
Cet élément de preuve est donc clairement à charge contre Chanal.
Les traces biologiques
Lors des perquisitions les enquêteurs découvrent de nombreux draps et plusieurs dizaines de slips dans le combi Volkswagen et dans la chambre de Pierre Chanal. Le professeur Christian Doutremepuich est chargé d’analyser 32 slips et quelques draps retrouvés dans la chambre du militaire à la caserne de Fontainebleau et dans le combi. Le nombre de slips est étonnamment important et les gendarmes constatent que certains ce ces slips sont complètement déchirés ou en lambeaux. Le juge demande à l’expert de rechercher les traces de sang ou de sperme afin de déterminer le groupe sanguin de leur propriétaire. L’analyse d’un drap permet de mettre en évidence des traces de sperme provenant d’un individu sécréteur, de groupe sanguin O, différent du groupe sanguin de Chanal ou de Paläzs Falvay. Un autre homme a donc été en contact avec les draps mais Chanal ne peut justifier son identité se contentant de répondre qu’il fréquentait des prostitués. Cette analyse ne permet pas de répondre aux questions essentielles du dossier et de connaître l’identité du sécréteur.
Une deuxième analyse est donc demandée au laboratoire CODGENE. La juge demande cette fois-ci une expertise de recherche et comparaison ADN sur les slips et draps. Les conclusions sont en dessous des espérances puisque seul l’ADN nucléaire de Chanal est mis en évidence. De l’ADN mitochondrial n’appartenant pas à Pierre Chanal est mis en évidence sur deux slips prélevés. Malheureusement pour l’enquête, l’ADN des huit disparus n’est pas révélé.
Les documents audio et l’arme du crime
Un enregistrement audio dans lequel Chanal mélange chants militaires et dialogues (ou monologues) pornographiques est analysé pour savoir si la voix d’un des disparus pouvait être identifiée. Les deux analyses vocales conduites par le Laboratoire d’Analyse et de Traitement du Signal (LATS) du LPS de Lyon et par l’Institut de phonétique de l’université de la Sorbonne concluront que lors des enregistrements, il semble y avoir une deuxième personne à coté de Pierre Chanal (respirations, critères d’ordre linguistiques et phonétiques), même si cette deuxième personne ne parle pas.
Enfin, dans un rapport daté du 1er janvier 1999, le professeur Lecomte conclut que le fil de Nylon blanc de 70cm possédant à chaque extrémité une chaînette et des poignées en cuir (arme retrouvé dans le véhicule de Chanal), est compatible avec le sillon observé sur le cou de Trevor O’keeffe.