Le 11 mars 2004, un attentat terroriste perpétré à Madrid provoque des centaines de morts et des milliers de blessés. D’importantes investigations scientifiques sont menées par la police espagnole et par les services de police du monde entier. Le FBI est mis à contribution pour l’analyse de plusieurs traces digitales, mais le laboratoire du FBI va commettre une incroyable erreur en faisant une « fausse identification ». Le laboratoire va ainsi identifier une trace digitale relevée sur un sac, utilisé par les auteurs de l’attentat, avec les empreintes d’un citoyen américain innocent : Brandon Mayfield.
Les faits
Le 11 mars 2004, vers 7h30, les trains de la banlieue de Madrid sont bondés. Presque simultanément, dix sacs à dos remplis d’explosifs explosent et font 191 morts et près de 2000 blessés.
Très vite, un grand nombre de secouristes vont parcourir les lieux. Ceux-ci viennent aux secours des blessés et commencent à ramasser les affaires personnelles éparpillées sur la voie. Un secouriste ramasse un sac de sport bleu et le range avec les autres affaires récupérées. Comme de nombreux autres effets personnels retrouvés après les attentats, le sac est placé dans un bureau de la police locale. À 19h40 près de 12h00 après les faits, un téléphone sonne dans le sac de sport bleu. Un policier décide d’ouvrir le sac pour récupérer le téléphone, et découvre… 10 kilos d’explosif. Un téléphone portable est relié par deux fils de cuivre à de l’explosif nommé Goma 2 Eco. Le sac est rempli de boulons, vis et éléments métalliques censés augmenter la nocivité de la bombe. Fil bleu ou fil rouge ? Le policier décide de faire appel aux démineurs….
Les investigations et l’identification de Brandon Mayfield
Lors des investigations, la police espagnole localise un véhicule volé, un Renault Kangoo près de la station d’où sont partis trois des quatre trains qui ont explosé. L’exploitation d’une vidéo surveillance permet d’observer trois individus suspects manipulant des sacs à dos avant de pénétrer dans le hall de la gare. Très vite, des investigations menées sur le véhicule permettent de découvrir un sac plastique bleu rempli de détonateurs et de reliquats d’explosifs. Les détonateurs et les restes d’explosifs sont identiques à ceux retrouvés dans les débris des explosions et dans le sac qui n’a pas explosé. Les techniciens vont relever des traces papillaires sur le sac plastique bleu et sur le van. Deux traces relevées sur le sac plastique sont de qualité suffisante pour être exploitées et comparées avec les empreintes des différentes bases de données nationales. Le 13 mars 2004, quatorze traces papillaires sont envoyées à Interpol par la police espagnole. Les traces sont ensuite transmises à de nombreux services de police étrangers, dont le FBI.
Le lundi 15 mars 2004, les traces sont comparées aux millions d’empreintes présentes dans le fichier automatisé des empreintes digitales américain nommé AFIS (Automated Fingerprint Identification System). Trois bases de données internes à AFIS sont consultées : celle des délinquants (empreintes enregistrées par les services de police), des civils (militaires ou employés du gouvernement) et celle des individus suspectés d’être des terroristes. Pour chaque base de données, le fichier propose vingt « candidats » dont une des dix empreintes de doigt correspond à la trace analysée. L’ordinateur permet ainsi de faire un premier tri, mais c’est l’expert en dactylotechnie qui réalise l’identification finale. Le mardi 16 mars, un expert reconnu du FBI commence par comparer la trace aux vingt premiers candidats fournis par le système d’après la base de données des délinquants. Dès la quatrième comparaison, le dactylotechnicien identifie un individu. Lorsque l’expert réalise cette identification, il ne connait pas le nom du candidat. L’identification est ensuite confirmée par un autre expert puis l’identité de l’individu est communiquée par un autre service du FBI. Le nom du suspect est révélé : il s’agit de Brandon Mayfield fiché pour un vol dans un véhicule pendant son adolescence puis par l’armée en 1989. Aucune des autres traces envoyées par Interpol n’est identifiée, mais le service de dactyloscopie du FBI confirme l’identification pour la trace référencée LFP 17.
Les doutes
Le 13 avril, des spécialistes de la police scientifique espagnole informent le FBI de leur désaccord sur le rapprochement entre la trace incriminée et l’empreinte de Brandon Mayfield. Ils font parvenir un rapport au FBI qui ne prend pas soin d’analyser sérieusement les doutes exprimés par la police espagnole. Très confiant en la qualité de ses experts, le laboratoire du FBI renvoie un rapport expliquant être absolument certain de l’identification. Le 21 avril 2004, le chef de l’unité dactyloscopique du FBI rencontre des représentants du SNP pour discuter de l’identification de Brandon Mayfield. Lors de cette réunion, le FBI explique avoir utilisé des caractéristiques de niveau 3 pour réaliser l’identification. Les experts espagnols sont en désaccord avec l’identification du FBI. Ils expliquent avoir trouvé 8 points caractéristiques concordants, mais aussi 7 discordances. Le chef du FBI, Michael Wieners, a constaté ces différences, mais il peut les expliquer. Ainsi, il explique que la partie haute de la trace ne correspond pas à l’empreinte de Brandon Mayfield mais à une deuxième trace superposée à la première. Wieners explique aussi une autre discordance par la différence de pression entre la trace visualisée sur le plastique et l’empreinte de Brandon Mayfield. Les participants de la réunion sont impressionnés par les connaissances et la démonstration convaincante de Wieners mais ils ne confirment pas l’identification pour autant. Ils prennent toutefois la décision de réexaminer la trace et l’empreinte du principal suspect. Finalement, cette réunion ne change pas le point de vue du FBI qui continue à identifier formellement Brandon Mayfield.