Qu’est-ce que le fichier automatisé des empreintes digitales : le FAED ? À quoi sert-il ? Sommes-nous tous fichés ?

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Le FAED (Fichier Automatisé des Empreintes Digitales) est un sujet riche et passionnant. En effet, il intrigue ceux qui ne le connaissent pas, il peut engendrer des débats concernant les libertés individuelles et il est un outil capital pour la résolution d’affaires criminelles.

Il inspire de nombreuses questions : sommes-nous tous fichés puisque l’on fournit nos empreintes pour les documents d’identité ? Qui peut consulter nos empreintes ? Quelles autres données sont enregistrées dans le fichier ?

Vous trouverez les réponses à ces questions dans cet article, mais aussi à d’autres questions auxquelles vous n’avez peut-être pas encore pensé !

I- Qu’est-ce que le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales exactement ?

   Avant toute chose, précisons que le nom de ce fichier est trompeur. En effet, il s’agit d’une base de données comportant certes des empreintes digitales, mais aussi des empreintes palmaires (i.e. de paumes). Il a conservé le nom qui lui avait été donné à sa création en 1987, car il n’a pas été modifié lorsque la police scientifique a commencé à relever également les empreintes de paumes à partir du 1er janvier 2004.

   De plus, ce fichier ne contient pas uniquement des empreintes, puisqu’elles sont accompagnées de certaines informations spécifiquement prévues par la loi. Par exemple, les éléments d’identité des personnes dont les empreintes ont été relevées, des clichés anthropométriques, la date et le lieu de collecte etc.

Faisons une petite pause sémantique.

    Dans les textes légaux, nous pouvons lire uniquement le terme “empreintes”, y compris dans l’expression “empreinte d’origine inconnue”, qui fait référence à une “empreinte” relevée sur une scène d’infraction que l’on cherche à identifier.

Cependant, dans le milieu de la police scientifique, nous faisons la distinction entre “empreinte digitale ou palmaire” et “trace digitale ou palmaire” (ou trace papillaire).

    Une empreinte est le relevé volontaire du dessin digital ou palmaire, au moyen d’encre ou d’un bloc optique.

    Une trace papillaire est déposée de manière involontaire sur un support lorsque la peau entre en contact avec celui-ci. Cela correspond en réalité au dépôt sudoral excrété par les pores de la peau, qui recouvre uniquement les crêtes papillaires (les parties en relief du dessin digital ou palmaire). Les policiers scientifiques révèlent ces traces au moyen de différents procédés de révélation (poudres dactyloscopiques, fumigation de cyanoacrylate, solutions de révélation etc.)

    Pour résumer, le FAED est un fichier contenant des empreintes digitales et palmaires, des traces papillaires, des photographies et des données alphanumériques. Des règles légales strictes déterminent les données qui peuvent y être enregistrées.

    Vous retrouverez des informations sur les traces et les empreintes, ainsi que des données historiques sur les débuts de la dactylotechnie dans l’article “Les empreintes digitales et les traces papillaires”.

II- A quoi sert le FAED ?

    Il est possible de comparer des empreintes avec des empreintes, des traces papillaires avec des empreintes, et des traces papillaires avec des traces papillaires. Ces trois types de comparaisons possibles confèrent au FAED plusieurs utilités que nous allons détailler, et qui sont des finalités du fichier prévues et encadrées par la loi.

II-1- Comparaisons “empreintes vs empreintes”.

    II-1- A- Identification d’un cadavre ou d’une personne grièvement blessée, dans un cadre judiciaire.

    Lorsque la police ou la gendarmerie interviennent suite à la découverte d’un cadavre dont l’identité ne peut être établie, les personnels scientifiques procèdent entre autres à un relevé d’empreintes sur le corps. Elles sont ensuite insérées et traitées dans le fichier aux fins de comparaison avec les empreintes enregistrées dans la base de données du FAED. Le cadavre peut alors être identifié si les empreintes de la personne décédée se trouvaient dans le fichier.

    Le même principe s’applique à la découverte d’une personne grièvement blessée dont l’identité ne peut être établie (une personne dans le coma par exemple).

    II-1-B- identification extrajudiciaire de cadavres ou de blessés.

    Il existe des cas extrajudiciaires pour lesquels il est néanmoins nécessaire d’identifier des cadavres non identifiés. C’est le cas des catastrophes naturelles, suite auxquelles il faut identifier des victimes.

    La prise d’empreinte est l’une des techniques mise en œuvre dans le cadre du protocole IVC (Identification des Victimes de Catastrophe), par l’équipe appelée “cellule Post-mortem”. Vous trouverez plus d’informations dans l’article “identification de victimes de catastrophes”.

    II-1-C- vérification d’identité.

    La vérification d’identité au moyen des empreintes peut être employée dans plusieurs cas :

  • dans le cadre des procédures de vérification d’identité prévues par le code de procédure pénale (art. 78-3)
  • pour vérifier l’identité d’un étranger dans les conditions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (art. L.142-2)
  • pour identifier des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires, ce qui permet d’affirmer qu’il s’agit bien de la bonne personne qui est détenue, ainsi que pour établir les cas de récidive.

II-2- Comparaisons “traces papillaires vs empreintes”.

    Les traces papillaires qui ont été relevées sur une scène d’infraction, ou révélées sur des objets ayant été prélevés sur une scène d’infraction et placés sous scellés, peuvent être comparées aux empreintes présentes dans la base de données du FAED. Deux autres finalités du fichier peuvent être mises en œuvre grâce à ce type de comparaisons :

  • la recherche et l’identification des auteurs de crimes et délits
  • la recherche et la découverte de mineurs et majeurs protégés disparus, ou de majeurs dont la disparition présente un caractère inquiétant ou suspect.

    II-3- Comparaisons “traces papillaires vs traces papillaires”.

    Les comparaisons de traces papillaires avec des empreintes ne peuvent donner lieu à une identification que si les empreintes de la personne concernée sont enregistrées dans la base de données. Il arrive donc fréquemment qu’une trace papillaire ne soit pas identifiée parce que l’empreinte correspondante n’a jamais été collectée et intégrée dans le fichier. Mais une trace papillaire non identifiée peut tout de même apporter des éléments permettant de faire avancer une enquête.

    En effet, il est possible de comparer une trace papillaire avec les traces papillaires non identifiées contenues dans le fichier.

Prenons un exemple fictif :

  • la police scientifique a révélé une trace papillaire sur le manche d’un couteau, arme du crime dans le cadre d’un homicide à Paris.
  • Après comparaison avec la base de données du FAED, cette trace n’est pas identifiée.
  • Les opérateurs du FAED procèdent ensuite à la comparaison entre cette trace et les traces non identifiées (de toutes les autres affaires) présentent en base. La trace est alors identifiée comme correspondant à une trace révélées dans le cadre d’un vol par effraction à Lille et deux traces révélées dans un véhicule retrouvé volé à Armentière.
  • Cela ne permet pas de savoir à qui correspondent ces traces, mais permet de relier cet individu encore inconnu à ces trois affaires. Les services enquêteurs pourront donc recouper les éléments afin de l’identifier plus rapidement. Et lorsqu’il le sera pour l’une des affaires, il le sera alors pour les deux autres.

III- Nous fournissons des empreintes digitales lors de la création d’une pièce d’identité : est-on tous fichés ?

  Empreintes digitales fichier  Oui et non ! Nos empreintes, relevées en Mairie ou Préfecture, sont effectivement conservées dans un fichier : le fichier des Titres Électroniques Sécurisés (TES). On peut donc dire que nous sommes fichés. Cependant, il ne s’agit pas d’un fichier de police et il n’existe pas de dispositif permettant une identification à partir des empreintes du TES (article 2 de son décret de création). Ces empreintes ne sont pas intégrées à la base de données du FAED.

    Il est tout de même exceptionnellement possible d’utiliser les empreintes de ce fichier pour tenter une identification. Par exemple, suite à la découverte d’un cadavre non identifié, il est possible qu’un OPJ (Officier de Police Judiciaire) rédige une réquisition judiciaire pour obtenir les empreintes d’une personne contenues dans le TES. Cela permet alors de les comparer aux empreintes du cadavre. Il faut donc avoir une idée de l’identité potentielle de la personne décédée pour pouvoir réaliser une telle comparaison d’empreintes. Dans ce cas, la police n’a accès qu’aux empreintes d’un seul individu.

     Cet accès exceptionnel permet de résoudre des cas de disparitions inquiétantes.

IV- Le FAED est un fichier contenant des données à caractère personnel. Comment est assurée la protection de la vie privée, les libertés individuelles et les droits fondamentaux à l’égard de données à caractère personnel ?

IV-1- Le cadre légal de contrôle du FAED.

    Le FAED étant un fichier sensible, dans le sens où il contient des données à caractère personnel, de nombreuses règles encadrent son utilisation. A la création de ce fichier, le décret 87-249 du 8 avril 1987  en édictait les règles d’alimentation et d’usage. Le droit étant en constante évolution, ce décret a été modifié plusieurs fois, en 2005, 2001, 2015 et 2020. La dernière modification est récente et majeure, puisque le décret n°2024-374 du 23 avril 2024 a modifié le code de procédure pénale et même abrogé le décret de 1987 !

    Alors que le décret de 1987 comportait des règles d’usage du fichier, celui de 2024 n’en édicte pas intrinsèquement, mais le fait à travers des modifications du code de procédure pénale, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées.

    Le droit étant par nature assez complexe, nous allons, sans trop entrer dans le détail, faire tout de même un petit tour d’horizon des règles régissant le FAED depuis l’entrée en vigueur du décret du 23 avril 2024.

Pour résumer, ce décret :

  • précise les finaliltés du FAED et les catégories de données pouvant y être enregistrées
  • actualise les catégories de personnes pouvant accéder au traitement ou être destinataires des données
  • actualise les durées de conservation des données
  • modifie les droits des personnes, pour les mettre en conformité avec le règlement européen dans le domaine du traitement des données à caractère personnel
  • précise le fonctionnement et l’utilisation du système d’information shengen (SIS), dans le cadre des vérifications aux frontières et de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

    Pour ceux qui souhaiteraient approfondir le sujet au maximum, le décret est consultable sur Légifrance. La dernière version des articles R10-38-1 à R40-38-11 du code de procédure pénale peut également y être consultées.

IV-2- Quelles données peuvent être enregistrées dans le FAED ?

    La loi encadre très strictement les données qui peuvent être intégrées dans le fichier (art R40-38-2 et R40-38-3 du CPP). Il n’est pas possible d’y inscrire des données non prévues par le code de procédure pénale.

    Peuvent par exemple être enregistrées dans le fichier :

  • des traces à identifier dans le cadre d’enquêtes sur des crimes et délits
  • des traces et empreintes à identifier dans des enquêtes aux fins de recherche des causes de la mort
  • des empreintes de suspects, détenus ou cadavres non identifiés
  • des traces et empreintes communiquées dans le cadre de la coopération internationale
  • des informations accompagnant les traces et empreintes. Sans être exhaustif, pourront être enregistrés : date, lieu, emplacement de collecte des traces… mais aussi des informations sur la personne dont les empreintes sont relevées (nom, prénom, sexe, lieu et date de naissance, filiation etc.)

IV-3- Qui peut avoir accès aux données du FAED ?

    L’article R40-38-7 précise quels personnels peuvent avoir accès aux données du fichier, ou peuvent se faire communiquer certaines données. Il pourra s’agir de certains personnels de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale, dans des conditions particulières et avec les habilitations requises. Dans des cas très précis, les agents des douanes et des services fiscaux peuvent y avoir accès pour mener à bien leurs enquêtes.

    Toute consultation ou communication des données est tracée et enregistrée dans un journal comprenant le motif, la date et l’identification des personnes qui consultent ou communiquent des données du fichier. Ces enregistrements sont conservées trois ans.

IV-4- Combien de temps sont conservées les empreintes et les autres types de données dans le FAED ?

    L’article R40-38-4 du CPP précise les durées de conservation des empreintes (et traces) digitales et palmaires et les données qui leur sont liées.

    Ces durées de conservations sont comprises entre 10 ans et 40 ans en fonction de l’origine de l’empreinte ou la trace, mais aussi du type d’infraction, du cadre d’enquête concerné ou encore de la minorité ou majorité d’une personne dont les empreintes sont relevées.

    Pour prendre un exemple parmi la dizaine de cas existants : les empreintes d’un suspect dans le cadre d’une affaire délictuelle sont conservées 10 ans s’il est mineur et 15 ans s’il est majeur. Ces délais sont augmentés à 15 ans pour un mineur et 25 ans pour un majeur pour certains délit plus graves (dont la liste précise se trouve aux articles 706-47 et 706-73 du CPP).

    Dans certains cas, le procureur de la république ou le juge d’instruction peuvent moduler le délai de conservation des empreintes ou ordonner leur effacement. Un effacement décidé par un magistrat peut aussi avoir pour origine une demande de la personne dont les empreintes ont été enregistrées dans le fichier.

IV-5- Comment est contrôlé la bonne administration du fichier ?

    Le FAED est placé sous le contrôle du procureur général près la cour d’appel de Lyon , et ce magistrat dispose d’un accès permanent aux fichiers et aux locaux dans lequel il se trouve (art R40-38-10 du CPP).

    Il peut donc obtenir des copies d’informations et ordonner l’effacement d’enregistrements qui ne devraient plus s’y trouver par exemple. Il reçoit un rapport annuel du service gestionnaire du fichier, et en établit un lui-même au ministre de la Justice, au ministre de l’Intérieur et à la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés). La CNIL a également un pouvoir de contrôle.

IV-6- Conclusion sur la protection des données à caractère personnel des citoyens.

    Le FAED est donc un fichier contenant des données à caractère personnel sensibles. Il existe un équilibre entre deux intérêts majeurs. D’une part, il est nécessaire de constituer une base de données conséquente d’empreintes et d’informations personnelles afin d’identifier les auteurs d’infractions et ainsi assurer la sécurité des citoyens. D’autre part, l’usage de ce fichier ne doit pas nuire aux libertés individuelles et respecter la protection des données.

    C’est pourquoi des règles strictes limitent à certaines catégories de personnes l’accès au fichier et le droit de l’alimenter, et spécifient les données pouvant être enregistrées ainsi que leur durée de conservation selon les cas. De plus, la loi limite l’emploi du fichier aux usages prévus par les textes.

    Il existe de nombreux autres fichiers de police, dont l’usage est également encadré par des textes légaux, comme le FNAEG : Fichier National des Empreintes Génétiques.

Un article de Thomas Q. pour © www.police-scientifique.com

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