Identification des traces et dactylotechnie
Comment identifier l’auteur d’une trace digitale ? Sur quelle base peut-on affirmer avec certitude qu’une personne est à l’origine d’une trace digitale ? En France, en se basant sur les écrits de Locard, les dactylotechniciens qui trouvent douze minuties concordantes et aucune discordante entre une trace et une empreinte peuvent affirmer avec certitude qu’un individu est l’auteur d’une trace digitale. Des “rapprochements” peuvent aussi être effectués avec des traces qui ne comportent pas les douze points caractéristiques.
Ce standard a 12 points prend son origine dans une publication de Locard en 1914 qui affirme
“trois ordres de cas peuvent se présenter :
• Il y a plus de douze points évidents : l’empreinte est nette, la certitude est indiscutable pour tous
• Il y a entre 8 et 12 points, cas limites, la certitude est fonction : a) de la netteté ; b) de la rareté de son type ; c) de la présence du centre de figure ou du triangle dans la partie déchiffrable d) de la présence de pores e) de la parfaite et évidente identité de largeur des crêtes et des sillons, de direction des lignes et de valeur angulaire des bifurcations. Dans ce cas, la certitude ne s’impose qu’après discussion du cas par un ou plusieurs experts compétents et expérimentés.
• Il y a très peu de points : dans ce cas, l’empreinte ne fournit plus de certitude, mais seulement une présomption proportionnelle au nombre de points et à leur netteté. »
Les traces papillaires qui ne comportent pas les douze minuties peuvent être conservées et exploitées par les services de police scientifique locaux contrairement au Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED) qui traite uniquement les traces comportant au moins douze minuties. Dans d’autres pays, il n’existe aucun standard numérique et les policiers scientifiques peuvent identifier des auteurs à partir de critères qualitatifs et quantitatifs. Ainsi, aux Etats–Unis, au Canada ou au Royaume-Uni, il n’existe pas un nombre minimum de minuties pour identifier un criminel. Pour réaliser une identification, les techniciens doivent suivre un protocole très strict nommé ACEV (Analyse, Comparaison, Vérification, Évaluation). Le respect de ce protocole ou du standard numérique à 12 points est une sécurité indispensable mais n’empêche pas les fausses identifications comme celle de Brandon Mayfield aux Etats-Unis. Lors de l’attaque terroriste de Madrid en 2004, l’avocat Brandon Mayfield était incriminé à partir de la fausse identification d’une trace digitale avant d’être mis totalement hors de cause, avec les excuses du FBI et un chèque de 2 millions de dollars. D’autres fausses identifications ont conduit des groupes de travail à se pencher sur une approche statistique pour évaluer la pertinence d’une identification et donner un pourcentage de validité à la preuve dactyloscopique (comme pour l’ADN).
Le FAED
Le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED) a été créé officiellement par le décret du 8 avril 1987. Ce fichier doit permettre le traitement automatisé des traces et des empreintes digitales par les services de police et de gendarmerie. La finalité de ce fichier est de détecter les usurpations d’identité sur le territoire national et d’identifier les traces digitales relevées sur des scènes d’infraction en optimisant le délai de traitement. Les données qui peuvent être enregistrées sont les suivantes :
• Les empreintes des personnes à l’encontre desquels il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis ou tenté de commettre, comme auteur ou complice, un crime ou délit ;
• Les empreintes des personnes mises en cause dans une procédure pénale dont l’identification certaine s’avère nécessaire ;
• les empreintes des individus placés dans un établissement pénitentiaire ;
• Les traces et empreintes transmises par des organismes de coopération internationales ;
• les traces relevées sur les lieux d’infraction.
Suite aux opérations de signalisation des mis en cause par les services d’identité judiciaire, les relevés d’empreintes décadactylaires et palmaires sont numérisés et envoyés par voie télématique au FAED. Les empreintes palmaires peuvent être enregistrées depuis le décret du 27 mai 2005, mais c’est seulement en janvier 2010 que la nouvelle version baptisée « métamorpho » devient opérationnelle. Cette version permet d’enregistrer les empreintes palmaires des mis en cause et d’identifier des traces palmaires relevées sur les lieux d’infraction.
Les empreintes digitales et palmaires sont conservées 25 ans alors que les traces révélées sur les lieux d’infraction sont conservées durant la durée de la prescription (3 ans pour les délits et 10 ans pour les crimes).
Les empreintes prélevées lors d’une signalisation peuvent être effacées à la demande de l’intéressé, lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. La demande doit se faire au Procureur de la République de la juridiction dans laquelle le mis en cause a été signalisé.
Le traité de Prüm signé le 27 mai 2005 par la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche, d’échanger des informations comme des données dactyloscopiques ou des profils ADN. L’échange de données dactyloscopiques ne peut se faire qu’au cas par cas et par un point de contact national. La procédure peut permettre un échange de données rapide dans le délai de garde à vue.
En août 2011, le nombre d’individus enregistrés dans la base est passé à plus de 4 millions. Ce fichier permet actuellement la résolution de plus de 1000 affaires par mois. Une importante progression du nombre d’identifications a été observée depuis la mise en œuvre de la version « métamorpho » du FAED. Jusqu’à fin 2009, le FAED permettait la résolution d’environ 8000 affaires par an. En 2010, plus de 13000 affaires ont été résolues grâce à cet outil.