Comment cette erreur a-t-elle pu se produire ?
La première cause dans cette « fausse identification » est d’abord la similitude inhabituelle entre la trace révélée sur les sacs d’explosifs et l’empreinte de Brandon Mayfield. Mais malgré cette similitude les experts du FBI auraient du pouvoir discriminer la trace et l’empreinte et conclure différemment. Il ne fait aucun doute que ceux-ci ont commis des erreurs méthodologiques comme l’a montré le rapport déclassifié du bureau de l’inspection générale du département de justice américain. Plusieurs causes sont à l’origine de cette erreur parmi lesquelles :
- Le nombre inhabituel de similitudes. Sur la trace, dix minuties identifiées comme des arrêts de ligne et des bifurcations ont été retrouvées sur l’empreinte de Mayfield. Même si ces types de minuties sont fréquentes sur les empreintes digitales le fait de les retrouver au même endroit, dans le même sens et avec le même nombre de crêtes entre elles est un fait relativement rare.
- Le biais de confirmation des experts. Le fait de trouver dix minuties concordantes entre la trace et l’empreinte a influencé le raisonnement des experts qui ne cherchaient ensuite que d’autres points caractéristiques concordant pour confirmer l’identification. Cela a induit les experts à identifier des minuties qui n’étaient pas bien définis sur la trace digitale incriminée.
- La prise en compte de caractéristiques de niveau 3 dites « de détail » dans l’identification. Les experts ont utilisé certains détails comme la forme des crêtes ou la présence de pores pour identifier l’empreinte de Mayfield. Mais, à la différence du type et de la position des minuties, les caractéristiques de détails du dessin d’une trace digitale peuvent varier légèrement en fonction du mode de révélation, de la pression….
- La mauvaise interprétation des experts pour les différences observées. En dactylotechnie, il existe une règle selon laquelle une seule différence « inexplicable » entre une trace et une empreinte doit permettre de conclure par la négative à une identification. Or, dans le cas de Mayfield, les « traceurs » ont observé plusieurs différences entre des minuties présentes sur la zone en haut à gauche de la trace et absentes sur l’empreinte de Mayfield. Au lieu de conclure à l’exclusion du suspect, les experts ont expliqué qu’il se pouvait que la zone en haut à gauche puisse provenir d’un autre doigt ou d’une autre trace. Malgré la relative « uniformité » de la trace les experts ont donné cette explication qui s’est ensuite avérée fausse.
- La mauvaise qualité de l’image de la trace. Durant toute leur analyse les experts ont travaillé sur une image de la trace envoyée par la police espagnole et non sur la trace originale. Cette image était de faible qualité et ne permettait pas de différencier certaines minuties qui pouvaient être soit des arrêts de ligne soit des bifurcations. De plus l’examen de la trace originale sur le sac plastique bleu permettait de constater que la trace faisait partie de trois traces simultanées et qu’il devait probablement s’agir d’un médius droit. Or le FBI a identifié le médius gauche de Mayfield.
Les experts du FBI identifient les traces avec une méthode basée à la fois sur des critères qualitatifs et quantitatifs. Aux Etats-Unis il n’existe pas de «standard numérique» comme en Espagne ou en France où il est nécessaire d’observer douze points caractéristiques similaires et aucune discordance pour identifier la trace à l’empreinte. Cependant, quelle que soit la méthode utilisée, les erreurs commises par les experts menaient à une fausse identification. En effet, les experts pensaient avoir découvert 15 minuties similaires entre la trace et l’empreinte.
Cette affaire rappelle que la police scientifique n’est pas à l’abri de commettre des erreurs. Ces erreurs sont souvent dramatiques car elles peuvent à elles-seules décider du sort d’un suspect comme ce fut le cas dans l’affaire Mayfield. La police scientifique n’est bien sûr pas infaillible et ne peut prouver à elle seule la culpabilité d’un suspect.
Le statut d’un expert fait que ses conclusions sont perçues comme des vérités scientifiques alors qu’il y a bien souvent un travail d’interprétation des résultats de sa part. L’expert ou des institutions de renom peuvent ainsi être considérées à tort comme à l’abri de l’erreur.
La police essaye de limiter ces erreurs en mettant en place des protocoles rigoureux (nombre de points caractéristiques minimum, confirmation par un deuxième expert, absence du nom du candidat lors de la première identification). Avec le respect de ces protocoles, le pourcentage d’erreur est minimisé mais les erreurs restent possible, ce qui n’est pas toujours envisagé par des jurés ou des magistrats.
Fin novembre 2006, les Etats-Unis sont condamnés à payer 2 millions de dollars à Brandon Mayfield pour ses 14 jours de captivité.