Cette affaire restera dans les annales de la police scientifique, car pour la première fois un “profil génétique” va être établi à partir d’une trace génétique.
Ce profil va non seulement permettre d’innocenter un suspect, mais aussi d’identifier un criminel. En 1987, pour la première fois, l’ADN va confondre l’auteur d’un double meurtre.
Les meurtres
Le soir du 21 Novembre 1983, Lynda Mann, âgée de 15 ans, se rend chez une amie à Narborough, une petite ville du centre de l’Angleterre. Elle repart de chez son amie vers 19h30 et rentre chez elle à pied. On ne la reverra plus jamais vivante. Son corps est découvert le lendemain matin à 7h20 près de l’hôpital psychiatrique de Carlton Hayes. Les médecins légistes constatent que Lynda Mann a été violée puis étranglée. Sur son corps et ses vêtements, les médecins observent des taches de liquide séminal. Pour orienter l’enquête, ils effectuent des prélèvements sur ces taches. Ces prélèvements feront bien plus qu’orienter l’enquête, ils vont donner pour la première fois la “carte de visite” génétique du criminel. Les investigations policières sont nombreuses, mais ne permettent pas d’identifier le tueur.
Le 31 juillet 1986, Dawn Ashworth, 15 ans, travaille comme vendeuse de journaux dans la ville d’Enderby située à 3 km de Narborough. A 16h40, Dawn est vu pour la dernière fois par un automobiliste alors qu’elle rentre chez elle à pied. Son corps recouvert de feuillage est retrouvé deux jours plus tard dans un champ à proximité d’un sentier emprunté par la victime. Lors de l’autopsie les légistes constatent la présence de nombreuses lésions. De plus la jeune fille a été violée et étranglée. En août 1986 la police arrête un suspect, un jeune commis de cuisine de 17 ans, nommé Richard Buckland. Celui-ci avoue le meurtre de Dawn Ashworth et l’affaire semble résolue.
La découverte de l’outil “ADN”
La police qui n’a toujours pas élucidé le meurtre de 1983 de Lynda Mann, tente d’établir un lien entre les deux affaires. Les modes opératoires et les lieux de découverte sont très proches et rapidement les enquêteurs sont convaincus qu’une seule personne a commis les deux crimes. Mais Richard Buckland n’avoue pas le premier meurtre. Heureusement pour lui, à quelques kilomètres de là, à l’université de Leicester, le Dr Alec Jeffreys vient de découvrir “l’empreinte génétique”. La police décide de lui envoyer les échantillons de sperme prélevés sur les cadavres et un prélèvement sanguin du suspect Richard Buckland. La comparaison entre les deux prélèvements des scènes de crime montre qu’il s’agit bien du même auteur. En revanche, la surprise est énorme quand Jeffreys conclut que le profil génétique du principal suspect ne correspond pas au profil génétique établi à partir des traces relevées. Tout est à refaire…. La police relâche Buckland en novembre 1986. Pour la première fois de l’histoire, un homme est innocenté à partir de son profil génétique.
Sans suspect, le premier test ADN à grande échelle va voir le jour. Des prélèvements sanguins sont réalisés dans les villages situés à proximité des faits. Plus de 4500 hommes habitant Narborough et les alentours sont convoqués pour une prise de sang. Chaque profil génétique obtenu est comparé avec le profil génétique issu des traces, mais aucune identification n’est réalisée. Malgré l’utilisation de moyens sans précédent, un an après le dernier meurtre, le tueur n’est toujours pas identifié et la police ne dispose d’aucun suspect.
Le sérum de vérité
En août 1987, dans un pub, un boulanger nommé Ian Kelly, raconte qu’un collègue de travail lui a demandé de le remplacer pour effectuer un prélèvement sanguin. Ce collègue de travail a même confectionné un faux passeport pour que Ian Kelly donne son identité lors du prélèvement.
Une femme présente dans le pub entend cette histoire et alerte la police. Ian Kelly est convoqué par la police et celui-ci confirme cette information. Son collègue se nomme Colin Pitchfork et est connu par les services de police pour plusieurs attentats à la pudeur. Le 19 Septembre 1987, les policiers interpellent Colin Pitchfork à son domicile.
Colin Pitchfork est né en Mars 1960. Avec sa grande sœur et son petit frère, il grandit dans le village de Newbold Verdon dans le comté de Leicestershire. Il quitte l’école à l’age de 16 ans et devient boulanger dans la ville de Leicester. Il se marie en 1981 et devient père de deux enfants. En 1983, son fils est né depuis quelques mois lorsqu’à lieu le viol et le meurtre de Lynda Mann. Après ce premier meurtre, Colin Pitchfork connu pour attentat à la pudeur, apparaît comme suspect aux yeux de la police. En 1983, il est auditionné mais la piste est vite abandonnée, car Colin Pitchfork a un alibi : à l’heure des faits, sa femme travaillait et il gardait seul son bébé.
Le 19 septembre 1987, quelques heures après son arrestation, Colin Pitchfork confesse les viols et les meurtres des deux mineures Lynda Mann et Dawn Ashworth. Pour le premier crime, il explique aux enquêteurs qu’il a commis les faits en laissant son bébé dans sa voiture garée à proximité. Un prélèvement sanguin est réalisé et l’empreinte génétique de Pitchfork est établie. Cette fois-ci, l’empreinte correspond aux traces retrouvées sur les lieux des meurtres, la preuve matérielle est indiscutable.
La condamnation
Le procès a lieu en janvier 1988. Colin Pitchfork plaide coupable pour les deux crimes. Il est condamné à la prison à vie. Son collègue de travail qui a donné son sang, Ian Kelly, est condamné à 18 mois avec sursis.
Finalement, en 1994, la cour d’appel modifie la peine de prison à perpétuité en une peine “d’au moins 30 ans de prison ferme”. Après 21 ans de détention, le 14 mai 2009, la cour d’appel modifie une fois de plus son verdict pour “bonne conduite”. Le délai minimum de prison ferme est réduit de deux ans. La peine de prison à vie est donc transformée en une peine d’au moins 28 ans et Colin Pitchfork pourra demander sa liberté conditionnelle à partir de 2015.