JUSTICE – La bagarre au cours de laquelle deux jeunes sont décédés en septembre 2012 à Echirolles va être reconstituée ce mercredi soir. Mais a quoi sert la reconstitution d’une scène de crime ?
Le GIGN sur place, le quartier bouclé, quinze mis en examen, dont dix sous écrou… Une reconstitution de grande ampleur a lieu ce jeudi soir à partir de 18h à Echirolles (Isère), au cœur de la cité où une bagarre a coûté la vie à Kévin et Sofiane, lynchés en septembre 2012 par une bande venue du quartier voisin de la Villeneuve à Grenoble.
A quoi sert une reconstitution? Il s’agit d’un exercice difficile, parfois onéreux mais bien souvent incontournable pour connaître la vérité judiciaire…
Quand décide-t-on d’une reconstitution?
La plupart du temps, le juge d’instruction est en possession de photographies prises par les policiers et versées au dossier judiciaire. «Il va demander une reconstitution pour lever des doutes sur des questions techniques», explique Serge Portelli, président de chambre à la cour d’appel de Versailles.
Ainsi, cela permet de comprendre exactement les expertises balistiques: angles de tirs, distances, obstacles… «Bien souvent, des détails auxquels on n’avait pas pensé peuvent surgir comme une évidence car on se retrouve en situation», poursuit le magistrat qui a passé vingt-cinq années en tant que juge d’instruction.
Que recherche-t-on chez les prévenus?
En premier lieu, une réaction. «Le juge va pouvoir vérifier la thèse des uns et des autres. Les confronter et les mettre en contradiction.» Les mis en cause, portés dans une situation qu’ils ont vécue ou confrontés à un lieu familier, vont être soumis à plusieurs chocs émotionnels. «Ce sont des règles de psychologie sociale et de fonctionnement de la mémoire. Quelque chose peut ressurgir ou bien à l’inverse, on a déjà vu des mis en cause se rétracter», se souvient Serge Portelli.
Quoi qu’il arrive, une reconstitution permet au juge d’instruction de mettre un prévenu au pied du mur et de mettre ses déclarations à l’épreuve, en faisant émerger les contradictions.
Combien ça coûte?
Cela dépend de l’ampleur de la reconstitution et de l’affaire. D’autant plus s’il faut boucler tout un quartier, faire appel à des services de police spéciaux pour assurer la sécurité… Ces actes de procédure sont beaucoup moins récurrents aujourd’hui, remarque Serge Portelli qui estime que «les juges manquent souvent de temps et de moyens pour les mettre en œuvre».
«C’est l’acte le plus difficile que j’ai rencontré dans ma carrière. Il faut être minutieux, très précis, préparer en amont la logistique, généralement colossale, et connaître le dossier sur le bout des doigts pour ne pas se perdre», témoigne le magistrat.
Quelle valeur juridique?
Au cours des reconstitutions, le juge peut procéder à des interrogatoires de témoins, victimes ou mis en cause. Inscrites sur procès-verbaux, ces déclarations ont une valeur juridique colossale. «Ce qui se dit au cours d’une reconstitution emporte souvent la conviction à l’audience, par rapport à ce qui peut être écrit dans le bureau du juge», décrypte Serge Portelli.
Les avocats peuvent intervenir, proposer des interprétations, apporter des explications, de la même façon qu’ils peuvent le faire au cours des auditions.
Jusqu’où la reconstitution peut-elle aller?
Le juge peut demander à un mis en cause de mimer son geste, sauf dans le cas des violences sexuelles. S’il refuse, lui ou une victime, ce seront alors des policiers ou des gendarmes de même morphologie qui «rejoueront» la scène.
Source : 20 minutes