Affaire Grégory – La voix du corbeau

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La voix du corbeau : Les expertises audio

Suite aux appels malveillants, les membres de la famille Villemin ont réalisé des enregistrements de la voix du corbeau sur des cassettes audio. Pour entendre un des enregistrements, cliquer sur le lien.

affaire Grégory corbeau audioAu cours de l’instruction, les cassettes du corbeau sont analysées mais des conclusions contradictoires sont apportées. La voix du corbeau est décrite par les membres de la famille Villemin comme celle d’un homme à la voix rauque déguisant sa voix. Lors des premières analyses des cassettes, les docteurs Yana et Pfauwadel confirment que le corbeau est un homme. Les experts disposent de trois cassettes enregistrées par Monique Villemin et d’enregistrements des voix de plus de 120 membres de la famille Villemin-Bolle-Laroche-Jacob. Ils retiennent les voix de six hommes, dont celle de Bernard Laroche, pouvant correspondre à la voix du corbeau. Ces expertises sont annulées pour des irrégularités de forme et sortent du dossier. Deux nouveaux experts nommés en 1985, Pinel et Liénard, apportent une conclusion à l’opposé de la première expertise puisqu’ils vont estimer que le corbeau “est très certainement une femme qui déguise sa voix”.

Enfin l’expert Jonesco, nommé par le juge Simon, estime qu’il s’agit d’une voix d’homme ayant entre 45 et 55 ans.Lors de la phase de l’instruction, malgré d’autres cassettes transmises par Jean-Marie Villemin, l’étude des voix ne permet pas d’identifier le corbeau. En revanche, l’étude des dates et heures d’appels, de leur contenu et des bruits de fond permettent d’orienter l’enquête.

A la fin de l’année 1992, Me Joël Lagrange, défenseur d’Albert et Monique Villemin, apprend le récent développement du logiciel REVAO (Reconnaissance Vocale Assistée par Ordinateur) développé par la société “Micro Surface”. Ce logiciel permet, selon l’avocat, d’indiquer si deux voix sont celles d’une seule et unique personne, avec un degré de certitude de 95%. La partie civile demande un supplément d’information pour faire comparer les voix des protagonistes de l’affaire avec celle des enregistrements des appels téléphoniques du corbeau. Cette requête, soumise à la chambre d’accusation de Dijon fin 1992, est refusée au motif

“qu’en l’état actuel de la science et des pièces à conviction, de nouvelles expertises n’apporteraient aucune certitude quant à l’auteur du crime”

L’année suivante, lors du procès de Jean-Marie Villemin, le président de la cour O. Ruyssen demande les témoignages de C. Roques-Carmes, conseiller scientifique de la société “Micro Surface”, et de la gérante, Mlle Wehbi qui demande à être requise comme expert en identification du locuteur. Ces témoignages doivent permettre à la cour de se faire une idée de la fiabilité du logiciel REVAO et de décider de l’opportunité de requérir un expert pour analyser les cassettes. M. Roques-Carmes estime qu’il n’existe pas réellement “d’empreinte vocale unique” au contraire de l’empreinte digitale. Il explique que l’identification certaine du locuteur est impossible, même avec des documents sonores de très bonne qualité. Or, dans l’affaire Grégory, les documents sonores sont de mauvaise qualité (bruit de fond, superpositions de voix) et le corbeau modifie sa voix. A l’inverse de son collègue, Mlle Wehbi estime que les cassettes permettraient l’identification du corbeau de manière certaine. Devant ces contradictions, la cour d’assise décide de ne pas ordonner une expertise vocale supplémentaire.

Vers de nouvelles expertises ?

Ces cassettes peuvent-elles mener à identifier formellement le corbeau ?

Le 4 décembre 2008, l’avocat des Laroche Me Welzer déclare :
des laboratoires sont désormais capables d’identifier avec précision à qui appartient une voix” (source : l’express)

maitre prompt affaire Grégory corbeau audioL’autre avocat des Laroche, Me Prompt demande en 1993 une nouvelle expertise des cassettes d’enregistrement des voix anonymes. Dans un livre publié en 2007, il précise les motifs pour lesquels il demande l’analyse de ces cassettes :

compte tenu des progrès technologiques réalisés” et compte tenu que “l’empreinte vocale se révélait alors plus précise et plus individualisée que l’empreinte digitale () et que la reconnaissance vocale était devenue un mode d’identification courant dans les opérations bancaires ou boursières“. (source : l’affaire Grégory, la justice a-t-elle dit son dernier mot?)

maitre chastant morand affaire Grégory corbeau audioEn 2008, l’avocat des Villemin, Maitre Chastant-Morand, estime quant à lui qu’il

y a eu des expertises des cassettes dont les conditions d’enregistrement datent de 1984 et aujourd’hui on ne pourrait plus en tirer des résultats probants“.

D’après le lieutenant colonel Bruno Vanden-Berghe spécialiste de l’IRCGN :

le but premier consiste à savoir s’il s’agit d’une voix d’homme ou de femme mais une identification plus précise est très complexe.

Finalement en 2010, conseillés par des spécialistes de l’Ecole des Sciences Criminelles de l’Université de Lausanne, l’expertise des enregistrements est demandée par les parents de Grégory lors d’une audience à la Cour d’Appel de Dijon le 30 juin 2010. La justice donne un avis favorable à cette demande le 20 Octobre 2010. Les experts en reconnaissance vocale vont ainsi pouvoir comparer les enregistrements des appels du corbeau avec les voix des différents protagonistes de l’affaire, telles qu’elles ont été recueillies à l’époque par les journalistes. Une grande partie des documents sonores se trouve conservée à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA).

Que peut-on attendre de ces analyses ?

onde vocale siteIl est vrai que l’étude des particularités vocales a beaucoup progressé ces dernières années notamment sous l’impulsion de sociétés privées qui développent des systèmes de reconnaissance vocale ou de “serrure vocale”. Toutefois, il ne faut pas confondre la reconnaissance vocale avec l’identification vocale en criminalistique. L’affirmation de l’avocat de Laroche, Me Prompt, selon laquelle l’empreinte vocale se révélait plus précise et plus individualisée que l’empreinte digitale”  (source : l’affaire Grégory, la justice a-t-elle dit son dernier mot?) est dénuée de sens puisque ce sont deux moyens d’identification très différents et qu’il est admis par les nombreux travaux scientifiques en dactyloscopie que l’empreinte digitale est totalement individuelle. De plus “l’empreinte vocale” est un terme inapproprié.

Cliquez sur le lien pour en savoir plus sur l’identification vocale en criminalistique.

Les dernières avancées dans le domaine montrent que l’identification vocale en criminalistique est un domaine difficile et sensible où la preuve doit être présentée avec prudence en respectant un canevas précis comme celui du théorème de Bayes. Le 20 Octobre 2010, la cour d’appel de Dijon donne un avis favorable pour un nouvel examen des enregistrements de la voix du corbeau. La cour d’appel demande à “comparer les enregistrements des voix du corbeau et les voix des différents protagonistes de l’affaire telles qu’elles ont été recueillies par les journalistes de l’époque”. L’état des enregistrements réalisés il y a plus de 25 ans, laisse supposer que ceux-ci seront utilisés comme un outil d’orientation d’enquête tardif et plus difficilement comme un élément de preuve incontestable.

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