Entre 1979 et 1988, des disparitions de jeunes militaires se multiplient dans la région de Mourmelon (Marne). La désertion de jeunes appelés est fréquente et personne ne songe à la piste criminelle. Alertés par les familles de victime, les médias s’emparent de l’affaire en 1981 en évoquant le mystère du « triangle de Mourmelon ». Plus les disparitions augmentent et moins les journalistes croient à la thèse de la désertion. De plus, tous les disparus faisaient de l’autostop. Pendant 7 ans, les gendarmes essayent de comprendre l’origine de ces disparitions, mais ils n’ont aucune piste sérieuse. Toutefois, en août 1988, un militaire est arrêté en flagrant délit de viol et séquestration sur un autostoppeur. L’affaire des disparus devient très vite « l’affaire Chanal ».
La séquestration et le viol d’un autostoppeur
Le 09 août 1988, vers 18h00, le chef Jeunet et un autre gendarme de la brigade de gendarmerie de Mâcon circulent sur la route départementale 45. Un combi Volkswagen vert, présent dans une impasse près de la zone de construction de la nouvelle ligne TGV, suscite leur curiosité. Ils décident de se rapprocher du véhicule qui démarre à leur arrivée. Ils demandent au conducteur de s’arrêter et procèdent au contrôle du véhicule. Le conducteur semble nerveux et dit se nommer Pierre Chanal. Les gendarmes sont intrigués par les rideaux fermés à l’arrière et par la présence d’une personne sous une couverture. Ils demandent à Pierre Chanal d’ouvrir les portes de la camionnette et constatent la présence d’un homme en très mauvaise posture. Ses chevilles et ses poignets sont liés par un lien et une chaine et son cou est entravé par une chainette reliée à l’enrouleur de la ceinture de sécurité. Le jeune homme terrorisé est détaché par les gendarmes. C’est un jeune Hongrois de 20 ans qui dit s’appeler Paläzs Falvay. Celui-ci explique aux gendarmes qu’il faisait du stop et qu’il a été pris en stop par Chanal. Il raconte ensuite que Chanal, faignant s’être égaré, est passé à l’arrière du combi et l’a surpris en l’étranglant avec une cordelette autour du cou. Il l’aurait ensuite ligoté et fait subir des sévices sexuels. Ramené à la brigade de Mâcon, Chanal invoque une mise en scène et des jeux sexuels entre partenaires consentants.
Pierre Chanal est militaire de carrière au Centre Sportif d’équitation militaire de Fontainebleau et a passé neuf ans à Mourmelon. Or, le chef Jeunet vient d’être informé que la section de recherche (SR) de Reims, enquête sur des disparitions inquiétantes de jeunes autostoppeurs à Mourmelon. Il alerte donc immédiatement la SR de Reims. Le gendarme Jean-Marie Tarbes, en charge de cette enquête, se déplace immédiatement sur les lieux pour entendre ce nouveau suspect.
Les disparus de Mourmelon
Entre 1979 et 1982, plusieurs disparitions de militaires sont particulièrement inquiétantes :
- Patrick Dubois (photographie ci-contre) : Premier disparu recensé, ce jeune homme de 19 ans est originaire de Trith-Saint-Léger près de Valenciennes. Cet appelé part faire son service militaire au 4° régiment de dragon de Mourmelon en décembre 1979. Le vendredi 4 janvier 1980, Patrick Dubois ne donnera plus aucun signe de vie. Ses parents s’inquiètent, mais l’armée ne fait que l’ajouter sur la liste des nombreux déserteurs.
- Serge Havet : Originaire de la ville de Tinqueux dans la région de la Marne. Il commence son service militaire en juin 1980 au 3° régiment d’artillerie de Mailly-le-Camp à une cinquantaine de kilomètres de Mourmelon. Le vendredi 20 février 1981, Serge Havet bénéficie d’une permission et décide de rentrer en stop sur la RN 77. Plus personne ne le reverra.
- Manuel Carvalho : Ce jeune appelé de 19 ans est né au Portugal, mais a grandi en France après l’immigration de ses parents. En juin 1981, il part au 4° régiment de dragon de Mourmelon pour y effectuer son service militaire. Le week-end du 7, 8 et 9 août 1981, il disparaît au cours d’une permission. Pensant qu’il est rentré au Portugal, ni l’armée ni la famille ne s’inquiètent de cette disparition.
- Pascal Sergent : Le 3 février 1981, il débute son service militaire au 503° régiment de chars de combat de Mourmelon. Le vendredi 20 aout 1981, il bénéficie d’une permission de sortie et décide de rentrer chez lui en stop à Tagnon, à environ 60 km de Mourmelon. Ses camarades le voient pour la dernière fois sur la route départementale 35. Plus personne ne le reverra vivant.
- Olivier Donner : Il vit chez sa sœur près de Troyes. Le 2 février 1982, il incorpore, comme Patrick Dubois et Manuel Carvalho avant lui, le 4° régiment de dragon de Mourmelon. Le vendredi 1er octobre 1982, il part en stop sur la RN77 et disparaît sans donner de nouvelles. Le 31 octobre 1982, son cadavre est découvert dans un fossé, loin de la route, caché sous des végétaux. La piste criminelle est privilégiée et une enquête est ouverte.
Puis, pendant trois ans, les disparitions inquiétantes cessent. Elles reprennent entre 1985 et 1987 avec la disparition de trois autres jeunes hommes dont deux ne sont pas des militaires. Patrice Denis est la première victime de cette nouvelle série.
- Patrice Denis (photographie ci-contre) : Ce jeune homme de 20 ans originaire des Ardennes disparaît à une vingtaine de kilomètres de Mourmelon le vendredi 23 août 1985, alors qu’il fait du stop. Il ne s’agit pas d’un militaire et pour la première fois la désertion de l’armée ne tient pas et la piste criminelle est très vite envisagée. La presse nationale s’empare de l’affaire et commence à parler des « disparus de Mourmelon ».
- Patrick Gache : Le 3 octobre 1986, il rentre à l’armée dans le 4° régiment de dragon de Mourmelon. Le jeudi 30 avril 1986, à la veille du 1er mai et d’un week-end de permission, Patrick part à pied de la caserne pour aller en gare de Châlons. Plus personne ne le reverra vivant.
- Trevor O’keeffe : Cet Irlandais de 19 ans vit à Saint-Albans en Angleterre. Au cours d’une soirée dans un pub local, il sympathise avec un Français et décide de venir lui rendre visite durant l’été 1987. Fin juillet 1987, Trevor O’keeffe rend visite à son nouvel ami à Poligny en Champagne-Ardenne. Le lundi 3 août 1987, il décide de quitter la France et de rentrer chez lui en stop. Le 8 août 1987, un agriculteur découvre le cadavre de Trevor enterré à proximité de son champ. Lors de l’autopsie, les légistes notent des hématomes et un sillon de faible épaisseur autour cou.
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