De nombreux blessés sont ramenés chez eux ou transférés vers les hôpitaux. Malgré les soins prodigués pour certains, les brûlures sont malheureusement trop profondes, pour d’autres c’est juste quelques contusions.
Quant aux victimes décédées, elles sont sorties des décombres et transportées au palais de l’industrie, bâtiment en cours de démolition ayant servi dans le cadre de l’exposition universelle.
Anciennement situé aux bas des Champs-Elysées, cette structure en bois dépourvue d’électricité devient le point de convergence de bien des familles éplorées à la recherche de leurs proches disparus.
A l’intérieur, le préfet de Police et le ministre de l’Intérieur placent plusieurs policiers chargés d’ accueillir les proches des victimes pour les aider à identifier des objets personnels et les corps exposés avec leurs biens.
L’identification systématique des victimes de l’incendie
C’est sur des petites fiches cartonnées que sont inscrits minutieusement à la plume, les détails des corrélations identitaires. On ne peut là que reconnaître les prémices de l’identification des victimes de catastrophe qui sera mis en place dans les années 1990 (voir notre dossier les spécialités)
Une bague, un mouchoir, une chaussure sont autant d’éléments permettant de reconnaître l’être cher disparu la veille. De nombreux maris viennent avec leurs servantes qui elles connaissent bien mieux les effets de leurs maîtresses.
Mais les corps sont tellement abîmés par l’effet de la chaleur que parfois seul un élastique de bas ou un coton entourant un doigt de pied blessé, permettent d’indiquer que c’est bien la personne recherchée.
Terrible déambulation pour ces familles meurtries que d’avoir à examiner de prêt ces 125 corps carbonisés, tordus et informes, exposés sur des planches. Dépourvu d’électricité, le bâtiment est éclairé par des torches et un brasero. L’air y est étouffant entre la fumée dégagée, les odeurs de pétrole et de chair brûlée.
Des gardiens de la Paix sont même présents pour éviter le vol d’objets de valeur par des pickpockets infiltrés.
Dès qu’un corps est formellement reconnu par les proches, un greffier fait signer une déclaration et note l’identité de la victime identifiée. Un permis d’emporter le corps est alors délivré. Les employés des pompes funèbres préparent le corps ensuite pour qu’il puisse être rendu aux familles.
Mais bien vite les méthodes traditionnelles d’identification se heurtent à une difficulté. Comment redonner une identité à un corps carbonisé et dépourvu du moindre objet personnel sur lui ?
C’est là que va être proposé le recours à une nouvelle méthodologie, jamais appliquée jusqu’à alors en France dans ce cadre-là: la reconnaissance par le schéma et les soins dentaires reçus par ces victimes haut placées.
Pour la Duchesse d’Alençon, est appelé son praticien le Docteur DAVENPORT. Arrivé sur place, il se retrouve face à une quarantaine de corps quasi carbonisés. Il va devoir examiner chaque bouche de chaque personne malgré l’environnement compliqué entre les odeurs, l’état des corps et cet éclairage déplorable.
Chaque travail effectué sur les dents en ante-mortem, est important : l’obturation au ciment d’une dent, son absence, sa perte ou une dent sur pivot, voir une prothèse en or peuvent être déterminantes.
L’intérêt du Docteur DAVENPORT va se focaliser sur un des derniers corps exposé dont il ne reste que le tronc et la tête. Ayant eu auparavant en consultation la Duchesse d’Alençon près de 17 fois en deux ans, ce professionnel dentaire a pu établir des fiches recensant les particularités les plus importantes de la bouche et des organes dentaires.
C’est ainsi qu’il va pouvoir reconnaître sans l’ombre d’un doute, son travail dans la bouche de cette malheureuse. Ses conclusions sont consignées dans un procès verbal et c’est sur une déclaration sous serment auprès du magistrat instructeur, qu’est délivré le permis d’inhumer.
C’est ainsi que la Duchesse d’Alençon, et plusieurs autres compagnes d’infortune seront formellement identifiée par leurs praticiens respectifs.
Les jours suivants ce drame, verront le tout Paris en deuil. Des convois funéraires sillonneront la capitale et une messe solennelle sera donnée à Notre-dame de Paris avec la présence de Félix Faure, le Président de la République.
Suivra un procès retentissant pour connaître la responsabilité et le rôle de chacun.
Une polémique sur le peu d’hommes disparus dans la catastrophe laissera penser que ceux-ci se sont enfuis et parfois par la violence envers des femmes et des enfants pour s’extraire de la fournaise. La presse des faits divers, relaiera cet épisode à grand renfort de tirage.
Au total sur plus d’un millier de personnes présentes, c’est 125 morts et 250 blessés qui seront dénombrés. Pourtant, quelques restes humains ne seront pas identifiés.
Ceux-ci seront déposés au cimetière du Père Lachaise dans un monument, érigé par la ville de Paris, portant la mention « aux victimes non reconnues de l’incendie du bazar de la charité ».
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